Le sac de la maison d'Orsetti

 « La maison du Comte d'Orsetti, dit le rapport Officiel de la Commission d'enquête sur les atrocités allemandes, fut littéralement mise à sac, surtout par les sous-officiers. L'argenterie, les bijoux, les objets précieux, amenés dans la cour du Château, étaient vérifiés, enregistrés et emballés, puis dirigés dans deux tapissières sur lesquelles on avait arboré le drapeau de la croix Rouge. Le capitaine Schroeder, prié de faire cesser le cambriolage et l'orgie scandaleuse qui se déroulait dans la villa, finit par se rendre sur les lieux, mais après avoir jeté  un coup d'œil dans la maison saccagée, se retira en disant : « C'est la guerre et d'ailleurs, je n'ai pas le temps ».
M. Mourey ajoute de son côté : « J'ai vu des officiers qui traversaient la cour, s'arrêter, prendre en main un bijou qu'on leur tendait, le retourner entre leurs doigts, le regarder de près, enfin, le mettre dans leur poche... »

Louis Le Barbier écrit dans son ouvrage, "Les Allemands à Compiègne" 1915
 
"Parmi les habitations pillées, l'une de celles qui fut le plus outrageusement souillée, fut certainement celle de M. Léopold d'Orsetti, place du Château. Dès le jour de leur arrivée les grilles avaient été forcées, les portes enfoncées et la maison mise en coupe réglée avec une sauvagerie sans nom. Après leur départ, le spectacle de cette dévastation était vraiment impressionnant. Dans toutes les pièces, il n'y avait plus sur les parquets qu'un amas de choses innommables, denrées apportées et vidées pêle-mêle, bouteilles cassées, meubles brisés, cadres arrachés, tableaux crevés; les tiroirs des commodes étaient ouverts, leur contenu souillé et jeté, les armoires forcées, les penderies de robes au pillage; la chambre des enfants n'avait pas échappé à la dévastation, et partout l'odeur ignoble et le relent des excréments... c'était à frémir, une bande d'apaches en délire n'aurait pas rêvé semblable bouleversement. Pendant tout le temps de l'occupation cette malheureuse maison fut envahie, et l'on peut dire que, nuit et jour, on y fit la fête, crapuleuse et sale, à la façon allemande. Nuit et jour on y but et on y fit ripaille, le piano ne cessa pas de s'y faire entendre, et, chose affligeante entre toutes, des filles y venaient tenir compagnie aux boches, et s'en allaient chargées de dépouilles.
Mais outre ce qu'on retrouva saccagé, brisé, hors d'usage, cette riche maison contenait nombre d'objets de valeur, meubles anciens, argenterie, bibelots d'art. Des témoins dignes de foi, notamment notre excellent confrère, Gabriel Mourey, conservateur du Palais, affirment que ces objets de prix furent enlevés et transportés en face, dans la cour du château. Là, un sous-officier ayant son bureau installé sur une table, dressait une sorte d'inventaire des objets volés ; les officiers assistaient à l'opération et ne s'y opposaient nullement, si même ils n'y participaient pas. Quand l'estimation était faite le produit des vols était ficelé soigneusement, mis dans des fourgons et, sur ceux-ci, on arborait le pavillon de la Croix-Rouge !"