La colombe, un avion de guerre !

L’avion d’Igo Etrich « Die Taube », « La Colombe »

Parmi les aéroplanes d'avant la Grande Guerre qui ont le plus contribué à démontrer les possibilités d'emploi militaire de l'aviation, le Taube (la colombe) mérite de figurer à une place d'honneur. C'était un monoplan à la silhouette très caractéristique par l'élégance du dessin de ses ailes - ce qui ne veut pas dire la simplicité de leur architecture -.
A l'origine de cet aéroplane, il y eut un projet d’Igo Etrich datant de 1910. L'inventeur autrichien, comme la majorité de ses contemporains, était convaincu que la qualité première à demander à un aéronef était l'autostabilité.
Il avait en effet été frappé par les qualités de stabilité de l'espèce de voilure qui soutenait dans sa chute la graine d'une plante, la Zanonia Macrocarpa. C'était pour lui l'exemple le plus pur de vol plané autostable que la nature puisse donner.
Etrich procéda donc à des essais avec un planeur d'abord, puis il réalisa son premier Taube à moteur, en le dotant de la même configuration alaire et du même gauchissement des extrémités, formule qui devait être retenue par de nombreux constructeurs allemands Les résultats furent satisfaisants sous tous rapports.

Le point de vue technique

Le décollage et l'atterrissage devaient s'effectuer en moins de 120 mètres. Le Taube convenait mieux pour des opérations à grande distance, ou pour l'emport d'une charge militaire quelque peu significative. La sécurité et la simplicité de son pilotage n'excluaient en rien de remarquables qualités de vitesse, de taux de montée et de plafond.
La structure du Taube était en bois, sauf sur le modèle Jeannin 4 « Stahltaube », et le revêtement en toile. Les premiers modèles possédaient une poutre traversière noyée dans le fuselage pour le renforcement de l'aile, comme sur les biplans de l'époque, ce qui conférait au Taube une solidité nettement supérieure à celle de ses contemporains, au détriment bien sûr des performances de vitesse.
Les extrémités des ailes étaient rejetées vers l'arrière et fortement incurvées, d'où résultait une aérodynamique pratiquement autostable, comme sur une aile volante. L'empennage horizontal servait plus pour la manœuvre que pour la stabilisation de l'assiette longitudinale.

L'utilisation

Un taube en vol - musée du Mémorial de l'ArmisticeJusqu'en 1914, Etrich fabriqua une sorte de pré-série d'appareils progressivement améliorés, comprenant notamment des biplaces et des triplaces, qui firent l'objet de commandes limitées dans l'Empire Austro-Hongrois. Son objectif majeur était le marché allemand, nettement plus important.
Ses tentatives d'approches n'ayant pas abouti, Etrich dut céder ses droits à la Sté Rumpler, qui réussit là où il avait échoué en obtenant une première commande de 20 exemplaires, chiffre considérable pour l'époque (par la suite, l'Autrichien devait construire sa propre usine en Allemagne, l'Etrich-Fliegerwerke, à Liebau, en Silésie).
Ce succès commercial sanctionnait les succès sportifs et la consécration militaire de ce monoplan un peu lourd, mais robuste et fiable. Le Taube avait en effet remporté en 1912 un trophée de régularité et établi le 9 juillet 1914 un record d'altitude avoisinant 6 000 mètres. Il avait surtout participé en 1911 à la campagne de Libye de la guerre italo-turque.
Sa mission principale était bien entendu l'observation, avec ou sans observateur à bord, car la stabilité de la machine permettait au pilote de lâcher les commandes pour prendre les jumelles. Puis, le 1er novembre, le Lt Gavotti de l'armée italienne effectua le premier bombardement de l'histoire de l'aviation en larguant 4 bombes de 2 kg sur un campement turc. Ces bombes ne firent aucun mal, mais beaucoup de bruit, surtout dans les états-majors de presque tous les pays.
L'avion venait de montrer qu'il était capable non seulement d'observer l'ennemi, mais de le frapper directement. Cette démonstration eut des effets immédiats, pour le Taube notamment, qui fit l'objet de multiples commandes en Allemagne et ailleurs. En août 1914, l'aviation militaire allemande possédait déjà 246 appareils répartis en 41 sections, forces bavaroises comprises.
L'expérience de la guerre révéla rapidement l'âge réel de cet aéroplane qui datait de l'époque des pionniers en dépit de multiples tentatives de rajeunissement. Le Taube ne demeura que quelques mois comme avion de ligne sur le front occidental où il se comporta très honorablement grâce à la robustesse de sa structure et à ses grandes qualités de vol.
Ce fut un Taube (de la série fabriquée par Rumpler) qui effectua le premier bombardement de Paris par avion le 3 août 1914 - 4 bombes de 1,8 kg éparpillées en banlieue - et quelques jours plus tard, le premier lancer de tracts de propagande sur la capitale française.
Jusqu'en 1915, les Taube allemands et autrichiens rendirent de bons services comme avions de 2e ligne. Mais ils n'avaient aucun armement de bord et furent retirés des opérations dans les premiers mois de l'année. 
 

Type : Biplace monoplan
Moteur de 75 CV, 6 cylindres en ligne de Mercedes
Armement : aucun
Vitesse maximale : 95 km/h
Plafond pratique : 3000 m
Autonomie : 4h
Poids : 450kg à vide, 780 kg en charge
Equipage : 2

Taube dans la cour des Invalides - musée du Mémorial de l'Armistice