Ambulance en forêt de LaigueLe docteur Ligouzat écrit : « Tant que les malades et blessés ne furent répartis que dans les hôpitaux de l’agglomération urbaine à Compiègne, comme les automobiles qui les amenaient au triage servaient à les conduire à leur place définitive et parfois d’emblée à l’hôpital d’évacuation, le médecin chef s’était contenté sur de grands camions réquisitionnés, attelés avec les chevaux de l’ambulance 8/13, d’improviser des moyens de transport pour assis et couchés. Leurs moindres défauts étaient un rendement médiocre et un confortable insuffisant. Après l’annexion de ressources hospitalières situées à 25 et 31 KM (Pont Ste Maxence et Senlis), il parut au chef supérieur du service qu’il était nécessaire d’affecter au centre hospitalier deux omnibus automobiles l’un de 10 l’autre de 8 places. Vers la fin de novembre, ils furent remplacés par 4 voitures d’un modèle plus petit, construites avec un moteur et un châssis de taxi-auto parisien et une superstructure légère entoilée. »
« Ces véhicules pouvaient transporter 6 blessés assis ou 4 couchés. Une sorte de camionnette prêtée d’abord par un commerçant de la ville, vint ensuite s’y rajouter après réquisition. »
Le service des éclopés (petits malades ou petits blessés autonomes pour leur déplacement) a été créé par le Dr Marcombes, chef de l’ambulance 8/13, dès son arrivée à Compiègne, peu après le 16 septembre 1914. Hilarion Ligouzat raconte sa création : « Dans l’établissement des Haras fut créé un organisme spécial, car en dehors des blessés proprement dits, un nombre considérable d’éclopés arrivent qui doivent être soignés sans diminuer à leur profit des ressources indispensables à de plus gravement atteints. Pour eux, dans les locaux des Haras, une ambulance installe une sorte d’infirmerie qu’on a nommé dépôt d’éclopés », qui était « bien plutôt un vrai hôpital de petits malades et blessés permettant avec une installation rudimentaire de dégager les hôpitaux proprement dits. »
Il fut fermé faute de moyens mais « l’idée fut reprise suivant un mode d’exécution plus large, plus régulier et plus définitif. Une caserne de construction ancienne fut étudiée pour la création d’un véritable dépôt des éclopés qui devait - recevoir directement et traiter les hommes de cette catégorie spéciale, - recueillir, rééquiper et acheminer vers leurs unités de combat les malades sortis guéris des hôpitaux du Centre. » « En tant qu’il recevait de l’avant des petits malades et des petits blessés, il intéressait au plus haut point le service sanitaire. Car d’un côté, ceux-là qui y trouvaient place, épargnaient l’encombrement aux hôpitaux proprement dits ; de l’autre il convenait d’assurer à cette collectivité dont l’importance augmentait vite, des soins techniques et une bonne hygiène. » Les hommes sont « atteints d’entorses légères, de gale ou de maladies vénériennes bénignes ou encore de rhumes, angines banales, diarrhées… » Ce service a été ouvert au quartier Bourcier le 3 décembre 1914 avec 800 à 1000 places et comportait un cabinet dentaire.
Le Dr Marcombes écrit :
« Le chirurgien est intervenu une cinquantaine de fois sous anesthésie et a fait 30 amputations environ. Ce nombre relativement considérable d’amputations se justifie par le fait qu’au début surtout, les blessés arrivaient un long temps écoulé après leur blessure et que nous avons observé un nombre important de gangrènes gazeuses.
Pour les amputations : circulaires ou circulaires elliptiques, avec manchettes, sans jamais suturer les parties molles ni la peau.
Comme antiseptique, l’éther a été employé en lavages et en pansements. Nous avons obtenu, notamment dans les cas de gangrène gazeuse et grande suppuration, des résultats absolument inespérés.
Nous avons pu conserver des membres qui paraissaient au 1 abord relever de l’amputation. Il (l’éther) est d’un usage facile et anesthésie la douleur au niveau de la plaie. »
Le livre de Mr Mignon sur les maladies épidémiques durant la guerre de 1914-1918 donne des statistiques intéressantes, qui révèlent une épidémie lourde : elle se déclara, semble-t-il, en Lorraine en août et les vaccinations ne commencèrent qu’en octobre. D’août à fin octobre il eut 18 867 malades et pour les deux derniers mois de l’année 26 220, soit au total 45 087 malades. Sur ce total, 5 479 sont décédés.
Pour sa part Hilarion Ligouzat, médecin major de 1 classe et médecin chef de la place de Compiègne, signale que du 16 octobre 1914 au 30 avril 1915, il a eu 1 439 typhoïdiques. Dans son Historique du Centre hospitalier de Compiègne, il précise que « la caractéristique de cette phase (du 22 octobre au 10 décembre) fut la prédominance énorme de la fièvre typhoïde sur toutes les autres affectations et son extension inquiétante. Les troupes qui déversaient leurs malades sur Compiègne s’étaient recrutées par moitié en Algérie d’une part, dans l’ouest de la France d’autre part. Si les premières vaccinées par des atteintes antérieures ou par des inoculations suivant la méthode de Vincent furent peu éprouvées, les autres envahirent tous les hôpitaux où ils arrivaient dans un état d’affaissement et de stupeur indiquant des atteintes déjà anciennes, profondes et graves. Nombreux furent ceux dont la maladie eut une évolution prolongée, une convalescence lentement établie. Chacun des lits ainsi occupés, était pris pour de longues semaines avant que l’homme devint évacuable. »
Le médecin major de 2 classe Marcombes, chef de l’ambulance 8/13, confirme qu’à partir de fin septembre 1914, il voit « s’augmenter le nombre des malades et bientôt tous les hôpitaux durent recevoir des fièvres typhoïdes. » Il ajoute que « Pour les typhoïdiques, à l’Hôpital Saint-Joseph, à l’Hôpital Général et à Hersan, le traitement par les bains fut régulièrement employé, et les résultats obtenus satisfaisants. »
Cette maladie se manifeste par un état de prostration. L’origine de la maladie serait l’ingestion d’aliments contenant des bacilles d’Eberth qui se multiplient dans l’intestin et agissent par des toxines.
"En temps de paix, l'hôpital général disposait pour les services civils d'un appareillage complet pour rayon X. Les médecins des salles militaires pouvaient en disposer sauf à faire rembourser par le service de santé les frais occasionnés.
Un médecin aide-major bien préparé par une longue pratique civile à ce genre de travaux a repris la direction du laboratoire; par une entente d'ordre administratif toutes les formations pouvaient l'utiliser. Et même certaines ambulances de l'avant installées très près de Compiègne y amenèrent leurs blessés; la médecine elle-même dont l'importance prédomine dans la 6 eme armée y trouve son compte."
Extrait du rapport de Hilarion Ligouzat
"Une petite salle d'examen, une boite d'ophtalmomogie du modèle spécial aux ambulances d'infirmerie, un chambre de 12 lits fut à l'origine d'un service qui compte actuellement une centaine de places et manifeste son activité par des interventions chirurgicales variées. Sa création s'est imposée d'une part à cause des Algériens et des Arabes d'Algérie qui forment une notable fraction des effectifs sur le front en avant de Compiègne. Chez eux les maladies chroniques des yeux sont fréquentes et d'autre part à cause de traumatismes oculaires par armes à feu si multiples dans cette guerre de tranchées."
Extrait du rapport de Hilarion Ligouzat
"Il est le dernier en date. Le matériel provient, Ier - de la réquisition des instruments qui composaient le cabinet dentaire de l'hôpital civil, IIeme - d'achats faits au compte du service de santé, IIIeme- de prèts consentis par un spécialiste incorporé comme infirmier. Il permettrait de placer à un homme atteint de grand délabrement de la face un appareil provisoire en vue d'une évacuation vers un grand centre de prothèse, mais il est outillé pour l'avelsion ou l'obturation de dents cariées et aussi pour fabriquer des appareils de prothèse à l'usage des hommes chez qui une dentition très défectueuse amène une dyspepsie chronique et une dénutrition incompatible avec un service actif."
Extrait du rapport de Hilarion Ligouzat
"Celui-ci est encore embryonnaire. Son personnel est uniquement le médecin-aide major déjà chargé de la radiographie, son matériel est composé de : Ier - pour l'électrothérapie, d'une boite à courants continus de Jaiffe, propriété particulière de cet aide-major ; IIeme- pour l'aérothérapie, d'un appareil à air chaud provenant d'un don. On ne prétend pas avec d'aussi faibles moyens parachever un traitement sérieux mais cependant chez les blessés qu'on ne peut encore évacuer, on amorce ainsi une thérapie plus active. L'air chaud (180° - 200° C) a donné de beaux résultats sur des eschares de décubitus (1) dont la réparation a été grandement hâtée".
Extrait du rapport de Hilarion Ligouzat
(1) :un décubitus correspond à une attitude du corps reposant à l'horizontale.