Les médecins militaires à Compiègne en 1914


-1- Effectifs et moyens

L’Etat-major avait anticipé une guerre courte et il a fallu réadapter rapidement les effectifs et les moyens. Pour mesurer l’effort à fournir voici quelques chiffres fournis par François Olier dans les Hôpitaux militaires dans la guerre de 14 – 18 :
                                                                            Août 14                         Août 15
Médecins d’active                                                    1 445                             1 693
Médecins de réserve                                                8 995                           13 660

La croissance s’est faite sur la réserve par rappel des médecins rayés des cadres ou déclarés inaptes et grâce à une accélération de la formation des jeunes médecins…Si les médecins d’active ont la main sur l’organisation du service de santé, il apparaît clairement que la réserve est largement plus nombreuse et que sa compétence a été reconnue, même si elle avait été regardée de haut au début.

                                                                             Août 14                      Janvier 15
Hôpitaux                                                                  1 987                          5 202
Lits                                                                      260 102                       440 052

La multiplication des lits a été fulgurante et apparaît clairement dans le rapport d’Hilarion Ligouzat pour les hôpitaux de Compiègne et de la région. Cette croissance est d’autant plus remarquable que l’invasion du nord-est du pays a supprimé 64 298 lits (pas à Compiègne).

-2- L’active


Les médecins d’active peuvent avoir fait leurs études dans des écoles de santé de province (Lyon par exemple) mais tous passent une année au Val de Grâce qui est l’école d’application de Santé Militaire. Ils y acquièrent les spécificités du corps et deviennent ceux qui encadrent l’organisation générale des services en temps de guerre : Ligouzat  pour les hôpitaux de la place de Compiègne, Rostan pour l’hôpital d’évacuation  n°7, Marcombes pour l’ambulance 8/13 qui a permis de relancer rapidement la marche des hôpitaux militaires de la ville après le départ des allemands.  
Ces médecins bien formés se tournent parfois vers la médecine de ville, comme Marcombes à 29 ans ou Gaulon à 46 ans (il faisait partie de l’équipe hospitalière du collège en 14).
 
 
-3- La Réserve

Après la défaite de 70, la France a créé une armée de réserve où les futurs médecins sont enrôlés pour une année de service comme simple soldat (au moins ceux qui sont déclarés aptes). Au fur et à mesure de leur progression dans les études ils sont classés dans la réserve comme médecins auxiliaires (sous-officiers) et, quand ils ont passé leur thèse, ils deviennent officiers commençant comme Médecin Aide Major (équivalant à sous-lieutenant). Leur progression dans les grades dépend alors de leur participation aux périodes qui leurs sont proposées par le Service de Santé des Armées.
Evidemment, il y a une limite d’âge, mais Edmond Seuvre a bien pu prendre rang à 66 ans en 14 et Ligouzat en dit grand bien « Médecin déjà hautement considéré par sa grande valeur professionnelle. A des aptitudes exceptionnelles au service dans le milieu militaire. S’est acquis de nouveaux titres depuis le début de la campagne, comme chef d’une formation importante dans le centre hospitalier de Compiègne ». Il est médecin chef au Palais. C’est un personnage marquant « Parfait gentleman, très érudit et universellement estimé ; très alerte et vigoureux malgré son âge et sa petite taille».
La plupart des autres médecins de réserve ont la quarantaine en 14 et ne sont que médecins major de 2 classe alors que Seuvre est de 1 classe (équivalant à commandant). Pour avoir une idée synthétique de cette population, nous avons constitué un échantillon de médecins réservistes présents à Compiègne en 14 sur lesquels nous avons quelques informations, mais cette liste n’est pas exhaustive.
Il en ressort qu’aucun n’est né ni à Compiègne ni dans l’Oise,  cependant deux médecins officiaient déjà à Compiègne avant la guerre et un à Noyon. On notera d’ailleurs que ces trois-là ont travaillé dans les hôpitaux auxiliaires, Saint Joseph et la Compassion, régis par la Société Française de Secours aux Blessés Militaires, affiliée à la Croix Rouge.  De plus, alors que Seuvre, Rist et Foisy sont affectés ailleurs durant la guerre (seul Foisy est revenu en 1916 à l’hôpital Saint Louis puis en 18 à Royallieu), Bellouard reste à Compiègne et Estrées Saint Saint-Denis, Delobel à Compiègne et Noyon, Tournant et Théry à Compiègne. De plus, Théry  a été, depuis 1907, médecin - directeur et professeur du dispensaire – école de la Société Française de Secours aux Blessés Militaires de Compiègne si bien qu’il a formé 80 élèves qui ont fournis la base  du contingent d’infirmières locales. Cet ancrage a été officialisé après la guerre par la Légion d’Honneur qu’il a reçu des mains de Fournier-Sarlovèze, tout comme Tournant et Wurtz (cf paragraphe suivant). 
 
 -4- Les médecins civils

Les médecins civils appartenant de fait à la réserve ont été affectés selon les décisions du service de santé de l’armée ; il ne reste donc plus sur place que les plus vieux :
-  Cruard a 64 ans, il est maire d’Attichy, conseiller général et prend la direction de Saint Joseph du 10 octobre 14 au 1 septembre 15.
-   Wurtz a 61 ans, il est le vice-président du bureau compiégnois de l’Union des Femmes de France, elle-aussi affiliée à la Croix Rouge, dont dépend l’hôpital auxiliaire de l’école Hersan dont il était médecin chef. Il a eu une très belle citation en 1915 «Est demeuré le seul médecin à Compiègne pendant l’occupation allemande, n’a cessé de prodiguer les soins les plus empressés aux malades civils et aux blessés français et ennemis et à rendre à ce moment les services les plus signalés ». Plus tard, pour sa Légion d’Honneur, il aura une autre citation « Pendant toute la durée de la guerre a montré le dévouement le plus grand, se rendant de jour et de nuit au chevet des malades sous les bombardements les plus violents et avec un mépris absolu du danger».
Durant l’occupation allemande, un docteur Lucas s’est aussi dévoué à Compiègne. Il a aussi travaillé à Saint Joseph et semble avoir été médecin à Soissons.     
Enfin il faut aussi citer le passage fugace du professeur agrégé Lucien Langlois que Paris avait envoyé à Compiègne en 14 pour aider dans l’urgence la restructuration du système hospitalier, notamment en matière d’hygiène, après le départ des allemands. Nous savons qu’il est passé à la Compassion, au HOE 7 de Rostan et à l’ambulance de Marcombes. Il en reste une trace dans son dossier de Légion d’Honneur : « En septembre 1914 a été convoqué dans un moment critique, où la ville manquait de médecins pendant qu’on se battait dans les environs. »