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Rappelons encore un autre incident qui eut lieu à Chevrières le 2 septembre.

Le 1 septembre la cavalerie anglaise avait évacué Chevrières et les Allemands s’y étaient installés. Deux mitrailleurs anglais, séparés de leurs camarades étaient restés. Ils installèrent leur mitrailleuse derrière un épaulement, près de la gare de Chevrières, face au chemin par lequel arrivaient les Allemands. Lorsque ceux-ci arrivèrent la mitrailleuse anglaise en faucha deux douzaines et causa un certain désarroi parmi la colonne allemande qui se crut attaquée par une force sérieuse.
Les deux Anglais profitèrent de ce désordre pour s’enfuir et allèrent se cacher à la ferme de Quesnoy appartenant à M. Langlois, conseiller général, Ils se dissimulèrent dans une voiture de foin, où ils restèrent jusqu’au lendemain.
Le 2 septembre au matin, M. Langlois était prévenu par son garde que deux Anglais étaient cachés à la ferme et demandaient à le voir.
M. Langlois se rendit près d’eux et les conseilla de fuir par les bois voisins, où il n’y avait pas d’Allemands, et de gagner Pont Sainte-Maxence où ils pourraient rejoindre l’armée anglaise.
Mais les Anglais n’avaient rien mangé depuis la veille. M. Langlois se chargea de leur faire porter des vivres dans le petit bois où il leur conseilla de se cacher.
Il s’assura avant leur départ que tous les Allemands, couchés à la ferme, dormaient encore. Seule une sentinelle veillait. On lui offrit un repas à la cuisine. L’Allemand abandonna  son poste pour aller engloutir du pain, du beurre et du jambon. La route était libre. Les Anglais pouvaient fuir et gagner le bois où, après s’être réconforté avec les vivres que leur avait envoyé M. Laglois, ils partirent en direction de Sarran et de Pont.
M. de Caix de Saint-Aymour qui, dans la Revue hebdomadaire du 20 novembre 1915, a rapporté ce fait à peu près comme nous l’avions noté nous même, dit que l’on a su que les deux Anglais étaient arrivée sains et saufs.

En terminant ces notes nous tenons à dire avec fierté que la population compiégnoise, pendant les heures douloureuses de l’occupation allemande se montra digne de la cité, digne de la France. Chacun sut faire bonne contenance devant l’ennemi ; nos magistrats municipaux défendirent nos droits avec la plus admirable énergie, la population entière les aida par son calme, son courage, son bon esprit. Il n’y eut pas un moment de défaillance, la foi dans l’avenir demeura toujours entière.
Compiègne pendant toute la guerre aussi bien en 1914 qu’aux jours tragiques des bombardements se montra selon sa devise la ville très fidèle à la Patrie, à la France.
 
Jacques Mermet, rédacteur gérant du Progrès de l’Oise
Articles parus en août et septembre 1919 dans le Progrès de l'Oise