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Nous arrêtons là la publication de ces notes prises au jour le jour, dès le début de la guerre. Les journées qui suivirent le départ des Allemands offrent moins d’intérêt aujourd’hui et il ne me parait pas nécessaire de rappeler un à un les incidents qui passionnaient notre populatione.
Cependant, avant de clore le chapitre de nos souvenir, rappelons encore quelques quelques faits que nous retrouvons dans notre mémoire.
Le 30 août, le 13° territorial quittait Compiègne et embarquait à destination de Laval. L’officier de détail, M. Varcassel, vînt trouver M. da Seroux et lui dit:
-  Nous avons environ 300 bœufs au champ de course. Nous vous les laissons. Vous en ferez ce que vous voudrez.
Un peu embarrassé du cadeau, M. de Seroux songea immédiatement aux moyens de soustraire ce troupeau à l’avidité des boches qui pouvaient arriver d’un moment à l’autre. Il fallait absolument diriger ces bœufs sur Paris.
M.de Seroux s’entretint de cette affaire avec M. Cassier et celui-ci découvrit l’homme dévoué qui se chargerait de la mission de conduire les bœufs à Paris.
Cet homme était M. Pigeaux, frère du boucher compiégnois.
M. Pigeaux partit avec 280 ou 300 bœufs s’arrêtant, lorsque le repos était nécessaire aux bêtes. Celles-ci pâturaient en chemin.
On devine combien un tel voyage était lent, fatigant, périlleux. Les Allemands arrivaient rapidement et faillirent rattraper M. Pigeaux à Pontarmé.

Cependant malgré toutes les difficultés, M. Pigeaux put accomplir sa mission; il arriva à Paris et remit le troupeau à l’intendance. II ne manquait que six ou sept bœufs égarés en route.       
M. Pigeaux voulut retrouver les animaux perdus. Il revint en automobile vers Compiègne, mais il fut arrêté par les Allemands à Senlis. On le garda pendant quelques jours puis il fut relâché.
Il avait ainsi sauvé un troupeau d’une valeur de 80 000 Fr. environ. Grâce à lui les propriétaires des animaux purent rentrer  en possession de cette somme.
À coté du dévouement de M. Pígeaux, il convient de rappeler celui de M. Boidard, receveur municipal.
Dès l’arrivée des Allemands, un officier, jeune freluquet, vint à la mairie et demanda la caisse municipale.
M.de Seroux le fit conduire chez M. Boidard.
L’officier allemand demanda au receveur de lui ouvrir la caisse. Elle ne contenait que 830 Fr.
 - Comment, s’écria l’officier, une si petite somme dans la caisse d’une grande ville comme Compiègne ! Ce n’est pas possible ! Montrez vos registres.
M. Boidard montra les registres. L’officier les compulsa avec soin et du s’incliner. Les écritures paraissant parfaitement en règle, accusaient une encaisse de 830 Fr. seulement.
Il empocha la somme et se retira.
M. Boidard avait réussi à faire sortir de sa caisse une somme de 50.000 Fr. qui avaient été remise à MM. de Seroux et Poilane. Ceux-ci l’avaient déposée en lieu sur et les registres avaient été arrangés de façon à tromper la perspicacité des Allemands.
Au risque de sa vie, M. Boidard a ainsi conservé une somme de 50.000 Fr. à la ville de Compiègne.
La ville eut l’heureuse fortune d’échapper à toute contribution de guerre pen­dant le séjour des Allemands. Cependant elle eut à donner une somme de 5.000 francs, non à titre de réquisition pour l’armée, mais pour les menus besoins de l’état-major de Von Kluck.
Voici comment les choses se passèrent. Un officier de l’état-major de Von Kluck se présenta à la Mairie.
-     M. le Maire, dit-il à M. de Sé­roux, je viens pour une petite
réquisition... 11 faudrait 5 000 Fr. en argent pour les besoins de l’état-major du général.
-     Bien, dit M. de Seroux, je trouverai cette somme.
-     Il faut aussi des cigares, du tabac, des cigarettes.
-     Je ne sais, répliqua M. de Seroux, si je pourrai vous en donner. Vos soldats ont volé tout ce qui restait dans les magasins.
-     Vous ferez pour le mieux. Il faut également du chocolat, du sucre, du café.
L’énumération n’en finissait pas.
M. de Séreux s’occupa de rassembler ce qu’exigeaient les Allemands.
L’argent d'abord, M. Dublon, qui avait mis en sûreté l’avoir de la Caisse d’Epargne, pu fournir les 5.000 Fr., mais cette somme était en billets et les Allemands voulaient de l’argent.
M. Poilane fit le tour de la ville, alla chez les commerçants, chez les particuliers; il réussit à trouver la plus grande partie de la somme en pièces de quarante sous, de vingt sous, de dix sous. La somme se complétait par un rouleau d'or.
Pendant ce temps, M. Trouvé recherchait du tabac. Il réussit à découvrir une certaine quantité de cigarettes et de cigares. On se procura également de la poudre de cacao pour remplacer le chocolat introuvable.
Le lendemain matin, tout cela fut mis sur une brouette que M. Desessart, accompagné de M. de Seroux, poussa jusqu’au Château.
A la grille attendait l’offìcìer. Il prit sur la brouette plusieurs paquets de cigarettes et les jeta à ses camarades qui étaient dans la cour du château. Puis il entra avec M. de Seroux et fit l’inventaire de ce qu'on lui apportait L’argent fut compté avec soin ; tout à coup l’officier allemand aperçut le rouleau d’or. Il le caressa amoureusement.
-    De l’or ! De l’or, répétait-il, les yeux brillants de convoitise.
Puis se décidant tout d’un coup :
-    ça  c’est pour moi !
Et il mit le rouleau d’or dans sa poche.