Pliant sous le poids des fardeaux, cette équipe de soldats du train, à casquette plate, est arrivée en même temps que l'Etat-major qui l'a laissé sur place pour continuer ses fructueuses opérations. Les caisses s'ajoutent aux caisses méthodiquement rangées et étiquetées sous la surveillance d'un chef de bande particulièrement cynique (Document).
Le pain manque toujours pour la population. On cuit sans arrêt dans les boulangeries, mais c'est pour le ravitaillement de la troupe et les pains sont chargés, aussitôt cuits, dans les camions qui stationnent devant la porte. Une sentinelle veille pour écarter les gens qui viennent chercher un morceau de pain. Le lait, pour les enfants, n'arrive qu'avec bien de la parcimonie. Quelques laitiers s'en vont de bonne heure dans les villages voisins recueillir une partie de ce qui serait strictement nécessaire.
Le ravitaillement commence à se compliquer... La misère guette bien des familles où la nourriture va bientôt faire totalement défaut, faute de ravitaillement. Le Bureau de Bienfaisance se multiplie, accueillant des pauvres gens et leur procurant un minimum pour vivre...
A ce jour, avec tout ce qui est passé par la route, la tête des colonnes allemandes a dépassé Creil et Senlis dans la direction de Paris. Un autre tronçon de l'armée passe Clermont dans le même sens. Des détachements encore plus nombreux se montrent vers le Sud. Une grosse force de cavalerie bat le pays en avant de Crépy, tandis qu'une autre, aux environs de Compiègne, est tenue en réserve. La grande route de Senlis à Paris est l'axe de marche des colonnes, mais vers midi, la première armée allemande abandonne vers le Sud-est. C'est le début de la bataille de la Marne .
Seuls, quelques équipages passent l'Oise sur le pont de bateaux. Le mouvement dans cette journée est des plus restreints en ville.
On en profite pour nettoyer les rues qui sont remplies de fumier et de débris divers, après l'avalanche qui y est passée :
« Par ordre de l'autorité militaire allemande, tous les habitants valides doivent dès maintenant nettoyer les rues et les débarrasser de leurs ordures ménagères ?... En conséquence, les hommes, les femmes et les enfants doivent sans retard se présenter, munis de pelles, balais et brouettes sur la Place du Château aujourd'hui à 2 heures de l'après-midi pour balayer les rues complètement et transporter hors de la ville les ordures qui seront déposées. Cette précaution indispensable à la salubrité publique sera imposée par la force à ceux qui voudraient s'y soustraire ».
Ajoutons que chacun des travailleurs a droit, à titre de salaire, à cinq livres de pain.
Bientôt, un grand nombre de civils — et non des moindres — sont transformés en cantonniers et le spectacle, n'était le moment, serait des plus piquants. Tel homme fortuné, telle femme élégante manient le balai avec ardeur sous l'œil amusé des officiers goguenards. Mais enfin, après cette opération indispensable, les rues sont propres !
Dans la journée, on voit arriver quelques prisonniers français et un certain nombre de blessés allemands. Ceux-ci racontent, avec force détails, que leur empereur est à Paris, mais ceux qui les entendent se doutent bien, d'après le bruit du canon, que la nouvelle est tout au moins prématurée. Ils sont hospitalisés à la Compassion et à l'école Hersan. Cet hôpital, prêt à fonctionner depuis plus d'un mois, se trouve inauguré par des blessés légers. A la Compassion, parmi les Allemands, on amène, un jeune soldat français.
Dans l'après-midi, les pontonniers démontent leur passerelle et s'en vont ailleurs avec leur matériel.
Le 4, le nouveau commandant d'Etapes s'installe à l'hôtel de ville. Il s'appelle Sabath et ne parle pas le français. Son adjoint, le lieutenant Amsinck sert de truchement dans les relations avec la Municipalité. Il est d'allure plus débonnaire que son chef, mais ceux qui sont dans l'obligation de le fréquenter, disent qu'au fond il est plus méchant. Le Hauptmann Sabath loge au château. Il prend ses repas à l'hôtel de la Cloche et installe son commandement d'étapes dans la salle des séances du Conseil municipal
Compiègne s'aperçoit immédiatement qu'il y a un chef pour s'occuper d'elle :
Au son du tambour, les habitants sont informés qu'il est interdit de traverser la rivière, même en barque, et de sortir dans les rues après six heures. Interdiction, ensuite, de servir de l'alcool à la troupe (elle se sert bien sans le secours de personne !)
Mais bientôt, rédigée par les soins de son adjoint, il fait afficher la Publication suivante dont le style savoureux mérite d'être conservé (Document).